vendredi 6 mai 2016

Où l'on parle playtest (making of)



Après avoir eu le plaisir de vous annoncer la venue de Coralie David et Jérôme Larré  qui ont eu la gentillesse d'accepter de commenter notre  making of, nous ne résistons pas l'envie de revenir sur ce bonus et à vous faire profiter d'un exemple de chapitre (attention l'article sera un peu long)

Et il s'agit d'une des rares exclusivités dédiées aux souscripteurs
http://www.black-book-editions.fr/crowdfunding-32.html


En raison de la précision et la pédagogie qu’elle nécessite, l’écriture des règles s’est révélée plus longue que tout le reste à finaliser. Plus encore, elle a nécessité de nombreux tests, nous obligeant à remettre encore et encore l’ouvrage sur le métier. Et là aussi, en discutant avec d’autres auteurs, nous nous sommes rendus compte que notre cas était loin d’être isolé.
Pour vous donner une idée du temps passé à affiner nos textes (oui, affiner, comme le fromage), il faut savoir que la version des règles présentée au début de la souscription est la version « 7.2 ». La version 1 ayant été rapidement écartée pour nous diriger vers une base de « compétence + carac + 2d6 ». Puis, les modifications dues aux nombreux playtests et aux relectures diverses ont pris plus de temps que l’écriture du jeu, des scénarios et suppléments eux-mêmes.
Idéalement, si vous désirez être méthodiques et gagner le plus de temps possible (contrairement à nous sur ce coup-là), le développement d’un système devrait suivre la voie suivante qui est constituée de quatre étapes :

1. Écriture partielle (pouvant être lue et testée par un tiers)
- Tests théoriques « sur feuille », pas au cours d’une partie, avec idéalement d’autres joueurs. Tester chaque règle « dans le vide », simplement en jetant quelques dés.
- Tests en vrai sur des one-shot.

Jouer avec ses joueurs
De manière générale, à ce stade, le système est encore « bugé », l’univers et le scénario peuvent être bancals. Imposer les trois, c’est risquer des parties moins intéressantes qu’avec du matériel déjà éprouvé. De même, votre groupe de joueur (normalement) vous apprécie. Il risque donc d’être moins critique (ou beaucoup plus nuancé) que des joueurs de convention par exemple. Enfin, les groupes se soudent autour d’envies et d’intérêts communs. Ainsi, vos joueurs risquent fort d’aimer les mêmes choses que vous. En club, en convention, vous bénéficierez très certainement de retours inédits, variés, plus nombreux et confrontés à d’autres pratiques que celles habituelles.
Il est parfois assez difficile de trouver le temps de jouer alors partir écluser les conventions peut être gênant. Nous avons en partie résolu ces problèmes en proposant un système avec des scénarios commerciaux et inversement. Là, les critiques se concentrent uniquement sur un élément playtesté.

2. Premières modifications et un squelette mieux défini
- Tests avec d’autres univers, proches ou extrêmement lointains. Nous avons conçus nos règles pour qu’elles soient « dures ». Afin de vérifier le résultat, nous avons beaucoup testé le système avec Plague dK car l’ambiance survivaliste de ce jeu était assez similaire à ce que nous voulions pour Écryme. À l’inverse, nous avons aussi joué aux… Secrets de la septième mer ! Pourquoi dans un univers aussi éloigné du nôtre (flamboyance, panache, personnages extrêmement puissants) ? Nous voulions pousser nos règles de confrontation dans leurs derniers retranchements. Certaines fois, il a fallu tricher pour garder les personnages en vie mais les combats étant fréquents, nous avons mis le doigt sur des points gênants à équilibrer (par exemple les dégâts des armes ou les malus dus aux blessures graves). Au final, le système s’est fluidifié et a gagné en rapidité.
- Tests en tant que joueur. En effet, comme MJ et concepteurs du jeu, vous êtes sensés connaître les forces et les faiblesses de votre système et vous pouvez les exploitez à fond (ou les éviter même inconsciemment). Cela demande de prendre du recul afin d’analyser telle ou telle réaction, tel ou tel mécanisme, mais aussi observer si le système a induit chez vous les comportements que vous désiriez initialement instiller. Être meneur demande plus d’effort et permet donc moins d’observer les joueurs. Enfin, il est vraiment utile pour prendre du recul et vérifier comment d’autres s’approprient le jeu.

3. Texte avec une forme quasiment définitive
- Faites lire le manuscrit à d’autres, faites tester vos règles et ne désespérez pas. Vous obtiendrez cinquante : « Mon système (personnel ou commercial) est mieux », ou « qu’est-ce que tu t’emmerdes, de toute façon personne ne joue jamais by the book ».
- Faites lire les règles à des parfaits novices en matière de jeux de rôle. Ils mettront le doigt sur des points que vous pensiez clairs et pédagogiques et qui ne le sont peut-être pas tant que ça.
- Remettez-vous souvent en question (au moins jusqu’à un certain stade de l’écriture). Les testeurs sont là pour fournir des conseils, des avis, des suggestions et des améliorations qui seront intégrées au système de jeu ou qui sauront vous réorienter en cas de fausse route (par rapport à vos intentions, la manière dont vous les avez traduites, la manière dont elles se sont traduites aux différentes tables, etc.)… Mais si nous vous encourageons à avoir un œil critique sur vos propres travaux, exercez aussi un jugement pointu sur les retours qu’on vous fait. Si une remarque revient régulièrement c’est qu’elle a de fortes chances d’être pertinente. Pour les remarques plus « ponctuelles », testez-les mais n’ayez pas peur de les mettre de côté si elles contreviennent au cahier des charges que vous vous êtes fixés.
- Tâchez de ne pas participer à toutes les parties playtests, car jouer en présence de l’auteur peut biaiser les résultats (par exemple en expliquant les règles telles qu’elles devraient être jouées et non comme elles ont été écrites). Les points litigieux ressortent moins bien quand on a la référence sous le bras.

4. Version finale
- Faites la lire et relire encore par quelques personnes (autres que les précédentes). Toutes les questions posées seront issues d’une incompréhension ou d’une ambiguïté. Lissez encore et encore le texte.
- En parallèle de ce lissage, testez votre jeu en one-shot et en campagne, avec des personnages débutants et expérimentés. Il est important que le jeu soit intéressant dès le premier niveau, et que les règles restent stables quand les personnages sont plus expérimentés.

Et Écryme dans tout ça
Nous avons bien suivi ce schéma en quatre étapes, mais en réécrivant à chaque fois quasiment tout le système (pas le fond, mais la forme) ! Écrire arriverait seulement à la troisième étape. Nous ne sommes parvenus à la version « 7.2 » que parce que nous avons changé de rédacteur principal. En effet, un dégoût total du texte et une perte importante de motivation ont pris le premier rédacteur entre les versions 5 et 7.
Un des meilleurs groupes de playtesteurs a été rencontré au cours d’un scénario Les secrets de la septième mer vilement adapté à Écryme au cours de la convention OctoGônes. Ces gars n’avaient joué qu’à D&D depuis ADD jusqu’à Pathfinder et à rien d’autre. En raison de la différence d’approche entre Écryme et le vénérable ancêtre, nous avions une certaine appréhension qui s’est révélée totalement injustifiée. Non seulement, ils se sont révélés êtres des joueurs très agréables mais en plus leurs retours ont été d’une rare justesse sur un nombre de points minimes mais extrêmement précis. En effet, ce sont les premiers playtesteurs à n’avoir rien remis en cause dans le système mais à simplement chercher à l’équilibrer. Si intéressants que nous avons passé plus de temps à les retranscrire qu’à noter le nom de ces bienfaiteurs (qui sont donc malheureusement restés anonymes). S’ils se reconnaissent, mille fois merci à eux !

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